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Plusieurs jours auparavant, pendant que l’on cherchait un ancrage sûr, des pirogues s’étaient approchées des vaisseaux. Les naturels étaient montés à bord ; on leur avait fait des présens ; ils avaient paru fort contens. Quelques-uns restèrent même à coucher à bord, entre autres Tacoury, un de leurs chefs. On leur arrangea des lits ; ils dormirent bien, sans témoigner la moindre méfiance. Cependant on les veilla toute la nuit. Chaque fois que le vaisseau s’éloignait un peu de la côte pour courir des bordées, Tacotiry témoignait de vives inquiétudes. On n’en concevait pas la cause, parce que l’on ignorait la triste aventure de Naginoui.

Dès que les vaisseaux furent en sûreté, Marion envoya établir des tentes sur une île située dans l’enceinte du port où il y avait de l’eau et du bois, et qui présentait une anse très-abordable. Les naturels la nomment Motouaro.

« À peine on avait mouillé, dit Crozet, lieutenant du Mascarin et auteur de la relation de ce voyage, qu’il nous vint à bord une quantité de pirogues qui nous apportèrent du poisson en abondance : les naturels nous faisaient entendre qu’ils l’avaient péché exprès pour nous. Nous ne savions quel langage leur parler. J’imaginai par hasard de prendre un vocabulaire de l’île de Taïti, provenant de l’expédition de Bougainville, que m’avait remis l’intendant de l’Île-de-France. Je lus quelques mots de ce vocabulaire, et je vis avec la plus grande surprise