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d’art pour rendre ce simple ajustement susceptible de coquetterie. Comme les Taïtiennes ne vont jamais au soleil sans être couvertes et qu’un petit chapeau de cannes garni de fleurs défend leur visage de ses rayons, elles sont beaucoup plus blanches que les hommes. Elles ont les traits assez délicats ; mais ce qui les distingue c’est la beauté de leur corps, dont les contours n’ont point été défigurés par quinze ans de torture.

» Au reste, tandis qu’en Europe les femmes se peignent en rouge les joues, celles de Taïti se peignent d’un bleu foncé les reins et les fesses ; c’est une parure et en même temps une marque de distinction. Les hommes sont soumis à la même mode. Je ne sais comment ils s’impriment ces traits ineffaçables ; je pense que c’est en piquant la peau et y versant le suc de certaines herbes, ainsi que je l’ai vu pratiquer aux indigènes du Canada. Il est à remarquer que de tout temps on a trouvé cette peinture à la mode chez les peuples voisins encore de l’état de nature. Quand César fit sa première descente en Angleterre, il y trouva établi cet usage de se peindre ; omnes verò Britanni se vitro inficiunt, quod cæruleum efficit colorem. Le savant et ingénieux auteur des Recherches philosophiques sur les Américains donne pour cause à cet usage général le besoin où on est dans les pays incultes de se garantir ainsi de la piqûre des insectes caustiques qui s’y multiplient au delà de l’imagination. Cette cause