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de ce canton nous conduisit dans sa maison et nous y introduisit. Il y avait dedans cinq ou six femmes et un vieillard vénérable. Les femmes nous saluèrent en portant la main sur la poitrine, et criant plusieurs fois tayo. Le vieillard était père de notre hôte. Il n’avait du grand âge que ce caractère respectable qu’impriment les ans sur une belle figure : sa tête, ornée de cheveux blancs et d’une longue barbe, tout son corps nerveux et rempli, ne montraient aucune ride, aucun signe de décrépitude. Cet homme vénérable parut s’apercevoir à peine de notre arrivée ; il se retira même sans répondre à nos caresses, sans témoigner ni frayeur, ni étonnement, ni curiosité : fort éloigné de prendre part à l’espèce d’extase que notre vue causait à tout ce peuple, son air rêveur et soucieux semblait annoncer qu’il craignait que ces jours heureux, écoulés pour lui dans le sein du repos, ne fussent troublés par l’arrivée d’une nouvelle race.

» On nous laissa la liberté de considérer l’intérieur de la maison. Elle n’avait aucun meuble, aucun ornement qui la distinguât des cases ordinaires que sa grandeur. Elle pouvait avoir quatre-vingts pieds de long sur vingt de large. Nous y remarquâmes un cylindre d’osier, long de trois ou quatre pieds, et garni de plumes noires, lequel était suspendu au toit, et deux figures de bois que nous prîmes pour des idoles. L’une, c’était le dieu, était debout contre un des piliers : la déesse était vis-à-vis,