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qu’elle serait plus facile dans la partie occidentale, et nous suivîmes la côte à la distance d’environ deux milles. Partout nous vîmes la nier briser avec la même force, sans une seule anse, sans la moindre crique qui pût servir d’abri et rompre la lame. Perdant ainsi toute espérance de pouvoir y débarquer, à moins d’un risque évident de briser les bateaux, nous remettions le cap en route, lorsqu’on cria qu’on voyait deux ou trois hommes accourir au bord de la mer. Nous n’eussions jamais pensé qu’une île aussi petite pût être habitée, et ma première idée fut que sans doute quelques Européens y avaient fait naufrage. J’ordonnai aussitôt de mettre en panne, déterminé à tout tenter pour les sauver. Ces hommes étaient rentrés dans les bois ; bientôt après, ils en sortirent au nombre de quinze ou vingt, et s’avancèrent à grands pas ; ils étaient nus et portaient de fort longues piques qu’ils vinrent agiter vis-à-vis les vaisseaux, avec des démonstrations de menaces ; après cette parade, ils se retirèrent sous les arbres, où on distingua des cabanes avec les longues vues. Ces hommes nous parurent fort grands et d’une couleur bronzée. J’ai nommé l’île qu’ils habitent île des Lanciers. Étant à moins d’une demi-lieue dans le nord-est de cette île, je fis signal à l’Étoile de sonder ; elle fila deux cents brasses de ligne sans trouver de fond. »

Depuis ce jour, Bougainville diminua de voile dans la nuit, craignant de rencontrer tout