Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 23.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prochions, offrait une riante perspective ; tout autour régnait une plage d’un beau sable blanc ; l’intérieur est planté de grands arbres qui, en étendant leurs branches touffues, portent au loin leur ombre, et forment les bosquets les plus délicieux qu’on puisse imaginer. Celte île paraissait avoir près de cinq lieues de circonférence : d’une pointe à l’autre s’étendait un récif sur lequel la mer se brisait avec fureur, et de grosses lames qui battaient toute la côte en défendaient l’accès de toutes parts. Nous nous aperçûmes bientôt que l’île était habitée ; plusieurs Indiens parurent sur la grève, armés de piques de seize pieds au moins de longueur, ils allumèrent plusieurs feux, que nous supposâmes être des signaux ; car l’instant d’après nous vîmes briller des feux sur l’autre île qui était au vent à nous ; ce qui nous confirma qu’elle avait aussi des habitans.

» J’envoyai un canot armé, sous les ordres d’un officier, pour chercher un mouillage ; mais il revint avec la désagréable nouvelle qu’il avait fait le tour de l’île sans avoir trouvé de fond à une encablure du rivage, qui était bordé d’un rocher de corail très-escarpé. Le scorbut faisait alors parmi nos équipages le plus cruel ravage ; nous avions plusieurs matelots sur les cadres ; ces pauvres malheureux, qui s’étaient traînés sur les gaillards, regardaient cette terre fertile, dont la nature leur défendait l’entrée, avec des yeux où se peignait la douleur ; ils voyaient des cocotiers en