Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 21.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du havre, et sur les dix heures nos frères et les Groënlandais prirent congé de nous à Kanghek. Le nombre des habitans baptisés montait, quand je partis, à trois cents. Il était mort cinquante-trois chrétiens depuis le commencement de la mission. C’était le fruit de vingt ans. Mais la semence de la parole divine donnait l’espérance de la plus abondante récolte. Je m’éloignai du Groënland avec cette consolation.

» Un vent assez fort nous mit promptement au large ; mais nous rencontrâmes bientôt les glaces qui nous forcèrent de gouverner toute la nuit entre les écueils flottans et les terres. Le 13 au matin nous trouvâmes une ouverture au sud-ouest. Nous passâmes et perdîmes la terre de vue, mais toujours ayant à côtoyer de grandes montagnes de glace. Jusqu’au 21, rien de fâcheux ; mais du 22 au 27 ce fut jour et nuit une tempête continuelle qui nous porta l’espace de cent quarante lieues vers l’Amérique, sans qu’il fût possible de virer de bord, qu’au risque d’être submergé par la grosse lame. Il fallut donc se laisser dériver au gré des courans et de l’orage, dans le danger d’être jeté sur quelque plage inconnue de l’Amérique. Enfin, le 27 à midi, la tempête diminua ; le 28, le temps se calma, et nous vîmes un bel arc-en-ciel. Le 29, on se trouva sous le 55° 53′ de latitude, c’est-à-dire à cent vingt lieues plus au sud que nous ne devions être. Le 4 septembre, nous rencontrâmes un vaisseau qui venait de