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jours soumis à la puissance de l’état, ne hasarde une arme aussi débile que dans un pays où sa nouveauté fait sa force. Il ne prête à ce glaive spirituel aucun pouvoir tranchant, et, satisfait de l’ascendant de confiance que la vertu donna toujours au sacerdoce, il ne compromet point imprudemment une autorité d’opinion avec celle qui naît des lois physiques.

C’est par de telles voies de douceur que les missionnaires du Groënland gouvernaient leur troupeau chéri de chrétiens. Ils les comparent à des enfans bien nés, dont le bon exemple inspirant l’émulation a plus d’influence pour entraîner au bien et prévenir le mal, que les préceptes et les châtimens d’un maître sévère. Les Groënlandais ne manquaient de rien sous la direction des frères Moraves, et c’était un des bons argumens que ceux-ci savaient employer en faveur de leur doctrine. Dans un endroit (disaient-ils à leurs néophytes) où deux familles pouvaient subsister, vous vivez au nombre de trois cents personnes ; et quand on meurt de faim, même dans les lieux où régnait l’abondance, vous êtes en état de secourir les indigens de votre superflu. Vous voyez donc que le Dieu qu’on vous prêche est bien votre père ou votre pourvoyeur. C’est sous ce dernier titre qu’on distingue au Groënland un père, ou un mari. Cette abondance tournait presque toujours au profit de la prédication, continue Crantz. Dans l’hiver de 1751, les îles d’alentour