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me, dit-elle, en montrant son ravisseur, m’y a entraînée par force. Avais-tu du penchant pour lui ?… Non, puisqu’il m’a tirée par les cheveux…. Prends donc tes effets et suis-nous, car nous sommes venus exprès te chercher. » En même temps il entre un frère ou un député de la mission avec un fusil. Aussitôt les sauvages dirent à la fille de se dépêcher de partir, de peur qu’on ne les tuât tous. On les assura qu’il ne leur serait fait aucun mal, pourvu qu’ils ne s’avisassent pas une autre fois de mettre la main sur les brebis du bercail des frères. Les sauvages ne songèrent plus, dit le missionnaire, qu’à se voir délivrés de nous ; et la pauvre fille en fut quitte pour avoir été battue par de vieilles femmes qui avaient employé, en vertu de leur ministère, les voies de rigueur usitées au Groënland pour forcer la pudeur à se laisser ravir ce qu’elle n’ose accorder. C’est ainsi que les frères secondaient quelquefois les impulsions de la grâce. Ils firent cette année (1748) trente-cinq baptêmes et huit enterremens dans leur église, qui se peuplait et s’agrandissait en même temps de morts et de vivans. Tout leur réussit donc, et leurs travaux spirituels furent récompensés par des bénédictions même temporelles ; car la mer jeta presqu’à leur porte assez de bois flottant, non-seulement pour leur provision de chauffage, mais pour ajouter une aile à leur maison et construire une salle d’école.

L’année suivante la sœur Judith bâtit une