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vant aborder à cause de la hauteur du rivage hérissé de rochers. Le courant était rapide, et les lames menaçaient de nous submerger. Le bateau des femmes roulait sur les vagues qui se repliaient comme un ver. À cette occasion je me souviens d’un verset de nos cantiques : Agneau, tu as fait l’univers ; mais souviens-toi que nous sommes tes petites créatures. Dans un quart d’heure tout fut calme, et nous étant mis à ramer deux lieues, nous allâmes planter nos tentes à Okeitsuk pour attendre les deux autres bateaux que l’orage avait écartés. Mais ils ne purent nous rejoindre que deux jours après. Ils avaient couru le plus grand danger, surtout un jeune Groënlandais dont le kaiak n’avait pu suivre les bateaux, les vagues lui ayant emporté sa bouée ou vessie de pêche ; tandis qu’il voulait la rattraper, il avait perdu sa rame, ce qui l’obligea de ramer avec ses deux mains, qui lui en tinrent lieu, jusqu’à ce qu’il l’eût recouvrée. Le mauvais temps nous empêcha de chasser durant six à sept jours.

» Le 12, j’allai à la chasse, et je tuai deux rennes ; les Groënlandais ne prirent rien : je leur donnai la moitié de ma chasse.

» Le 13, je pris encore un autre renne. Le matin, à l’heure de la prière, un Groënlandais vint me dire qu’il avait eu la pensée de prendre une verge et de battre sa femme, parce qu’elle ne voulait pas lui obéir. Je lui dis qu’on pouvait châtier ainsi les enfans, mais non les grandes personnes. Je parlerai, lui dis-je, à votre