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histoires effrayantes, soit vraies ou fausses, agitent l’imagination durant le sommeil, et les rêves de la nuit troublent la raison des enfans durant le jour. Quelle avance y a-t-il à effrayer ainsi les esprits sous prétexte de les instruire ? On est dévot tant qu’on a peur, et, quand l’âge des passions rend le courage, on reste sans religion et sans morale.

Cependant les missionnaires ne repoussaient point les âmes qui recherchaient le christianisme, quel que fût le motif qui les y amenât. Un angekok rêva qu’il était dans l’enfer. Réveillé par ce songe, il pleura deux jours, et se convertit. C’était toujours un triomphe pour les frères Moraves. Quoiqu’il soit rare de voir un ministre de la superstition y renoncer parce que les motifs qui l’attachent à ses dogmes, ou les raisons qui l’en ont détrompé, doivent également les prévenir contre la plupart des autres croyances, cependant, s’il a du penchant pour la religion, il en changera d’autant plus aisément qu’il ne voit que les abus de celle qu’il quitte, et le merveilleux de celle qu’on lui propose. C’est du moins le faible de tous les caractères ardens et inconstans, quand ils n’ont pas assez de courage ou de lumières pour voir la vérité, de changer d’erreur ; et le luthéranisme n’est-il pas une erreur ?

Aussi les apôtres de cette doctrine conviennent-ils à chaque page des obstacles qu’ils trouvaient à l’établir. Parmi les raisons qui détournaient les angekoks du christianisme, un