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les autres, avait pénétré dans l’île pour sauver sa femme et ses enfans dans deux kaiaks. Il mit dans l’un la mère, qui portait le plus jeune de ses fils sur son dos ; et prenant lui-même l’autre enfant sur ses épaules, il remorqua le premier kaiak au second, qu’il conduisit tantôt sur la glace, tantôt sur l’eau, traînant et ramant tour à tour.

Les frères eurent leurs deux maisons si remplies de tout ce monde, qu’à peine leur restait-il une chambre pour eux. Ce fut un moment favorable à la mission ; car la charité ouvre toujours le chemin à la foi. Cependant Crantz ne veut pas qu’on imagine que ses confrères aient employé les moyens temporels de la bienfaisance comme un appât de séduction pour attirer les Groënlandais au christianisme. Autre chose est, dit-il, de faire des prosélytes par des présens, ou de tendre les bras à la misère humaine, n’ayant égard qu’à ses besoins, et sans autre motif que de la soulager. Aussi les frères portèrent-ils le désintéressement jusqu’à ne pas acheter le salut des âmes par la subsistance qu’ils procuraient aux infidèles. Un de ces réfugiés avait laissé sa femme en couche pour chercher sa vie auprès des missionnaires ; mais ils le renvoyèrent avec des provisions, lui disant que, s’il persistait dans le désir qu’il leur témoignait de se convertir, il pouvait revenir avec sa femme ; il ne reparut plus. Quand la dureté de la saison eut cessé, ces réfugiés demandèrent qu’on les ramenât chez eux, et les