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Il y avait cinq ans que ces apôtres luthériens étaient allés porter l’évangile aux Groënlandais. Mais que peuvent, disait-on à Copenhague, des ignorans sur l’esprit des sauvages ? Aussi ne voulait-on plus leur envoyer ni vivres ni secours. On se moquait de ces gens grossiers, qui ne devaient être comptés que pour le nombre et pour la dépense, et ne laissaient rien espérer de leur piété sans lumières. Mais le comte de Zinzendorf, d’ailleurs humilié des reproches qu’on faisait à ses disciples, ne se lassait point d’attendre de leur persévérance ce qu’on ne pouvait se promettre de leurs talens. Les Groënlandais, de leur côté, ne cessaient de repousser leurs instructions. Ce n’est pas qu’ils n’écoutassent avec quelque plaisir les prodiges de l’histoire des Juifs et les miracles des apôtres ; mais si les missionnaires leur parlaient de l’essence et des attributs de Dieu, de la chute de l’homme, de l’expiation du péché et de la grâce, et de la sanctification des âmes, ils s’endormaient, répondaient toujours oui, pour ne pas entrer en dispute, et s’esquivaient dans l’instant. Encore étaient-ce les plus patiens et les plus complaisans : car il y en avait qui, témoignant ouvertement leur désapprobation, réfutaient la doctrine des prédicateurs et disaient : « Montrez-nous le Dieu que vous prêchez, et nous y croirons. Vous le représentez comme un être trop sublime : comment se peut-il que nous allions à lui, ou qu’il descende jusqu’à nous ? Il n’en prend aucun