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l’entrée de l’hiver qui précéda ce printemps, et les bateliers de la colonie en avaient souffert plus d’une fois. Mais surtout au mois de décembre qu’ils retournaient de leur trafic, un ouragan qui les saisit à quatre lieues de chez eux les emporta tout à coup au milieu des glaces où ils furent ballottés par les vagues durant quatre jours ; à la fin ils regagnèrent la terre, mais ce fut à vingt-huit lieues de leur port ; encore à peine furent-ils descendus, que le vent mit leurs bateaux en pièces et les fit dériver en haute mer. Par bonheur un Groënlandais recueillit les gens chez lui pendant quelques jours, et les mena sur son bateau jusqu’à moitié chemin pour regagner la colonie. Ils firent le reste de la route à pied, par un froid très-vif, dans un pays montagneux et sauvage, où ils se seraient perdus, s’ils n’avaient rencontré des guides qui achevèrent de les conduire à leur gîte.

Rien de plus rebutant sans doute que l’histoire uniforme d’un pays sans production, et presque sans habitans ; de voyages sans fruit ; de colonies sans progrès, et de travaux sans succès. Mais il n’est pas indifférent à la curiosité de l’esprit humain de voir, peut-être pour la première fois, l’exposition sincère et naïve des obstacles qu’une religion nouvelle trouve dans des âmes qui sortent des mains de la nature sans préjugés et sans science ; et tel est le tableau que nous présente Crantz dans la mission des frères moraves.