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le mahométisme s’était établi dans ces îles. Lorsque le roi vint à bord de la capitane, il se boucha le nez, à cause de l’odeur de lard qu’il sentait partout. Il nous pria, peu de jours après notre arrivée, de tuer tous les cochons que nous avions à bord, pour lesquels il nous offrit une ample compensation en chèvres et en volaille. Nous eûmes cette complaisance pour lui, et nous les tuâmes dans l’entrepont, afin que les Maures ne s’en aperçussent pas ; car ils avaient une telle répugnance pour ces animaux, que, lorsqu’ils en rencontraient par hasard, ils fermaient les yeux et se bouchaient le nez pour ne pas les voir et n’en pas sentir l’odeur.

» Vis-à-vis de Tidor est Giaïlolo (Gilolo), très-grande île habitée par les Maures et les gentils. Les Maures y ont deux rois, dont l’un, à ce que nous dit le roi de Tidor, a eu six cents enfans, et l’autre cinq cent vingt-cinq. Les gentils n’ont pas autant de femmes que les Maures, et sont moins superstitieux. La première chose qu’ils rencontrent le matin est l’objet de leur adoration pendant toute la journée. Le roi des gentils, nommé Raja Papoua, est très-riche en or, et habite l’intérieur de l’île. On y voit croître parmi les rochers des roseaux aussi gros que la jambe d’un homme, qui sont remplis d’une eau fort agréable à boire ; nous en achetâmes plusieurs. L’île de Giaïlolo est si grande, qu’un canot a de la peine à en faire le tour en quatre mois.