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no, qui craignait quelque perfidie, tâcha de le dissuader de ce dessein, ajoutant que dans les conjonctures actuelles c’était une témérité de sortir des vaisseaux, et que le roi de Zebu pouvait fort bien envoyer son présent. Barbosa persista dans sa résolution, et piqua tellement par sa réponse l’amour-propre de Serrano que celui-ci sauta le premier dans la chaloupe. Les Espagnols étaient au nombre de vingt-quatre, les mieux portans de l’équipage, ajoute Herréra. Il y en eut deux qui, soupçonnant les Indiens de mauvaise foi, revinrent à bord des vaisseaux. À peine les autres étaient-ils assis pour dîner, qu’ils furent tous égorgés, à l’exception de Serrano qui s’était fait aimer des insulaires. On attribua ce désastre aux insinuations de l’interprète qui, maltraité par Barbosa, avait quitté la flotte et fait entrer le roi de Zebu dans ses projets de vengeance. Les Espagnols qui étaient sur les vaisseaux entendirent les cris plaintifs de leurs compagnons. Aussitôt ils levèrent l’ancre, s’approchèrent du rivage et tirèrent plusieurs coups de bombarde sur les maisons. Ils virent alors Serrano que l’on conduisait nu et garrotté vers le bord de la mer. Il les pria de ne plus tirer, sans quoi les Indiens allaient le massacrer ; puis il leur raconta la catastrophe de ses compagnons, ajoutant que l’interprète s’était joint aux insulaires. Il conjura les Espagnols restés à bord de le racheter avec des marchandises, parce qu’autrement les Indiens le tueraient. Mais