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état de leurs provisions, parce qu’il tenait le passage aux Moluques pour assuré. Il se trouva sur chaque vaisseau des vivres pour trois mois. Alors l’opinion générale fut qu’il convenait de poursuivre l’entreprise, et qu’il serait infâme de l’abandonner au moment où l’on était près de recueillir le fruit du voyage. Étienne Gomez, pilote du Saint-Antoine, fut d’un avis contraire. Il prétendit que, puisque l’on avait trouvé le détroit pour passer aux Moluques, la prudence ordonnait de retourner en Espagne pour y équiper une nouvelle flotte, parce qu’ayant à traverser une mer immense, on s’exposerait à périr, si l’on était surpris par des calmes ou des tempêtes.

Magellan répondit que la certitude même d’être réduit à manger les cuirs dont les vergues étaient garnies ne le détournerait pas d’effectuer ce qu’il avait promis à l’empereur, et qu’il espérait l’aide de Dieu pour conduire l’entreprise à une heureuse conclusion.

Il défendit à tout l’équipage, sous peine de mort, de parler de retour, et ordonna que les navires fussent prêts à appareiller le lendemain matin ; en quoi il montra autant de prudence que de fermeté, car la réputation d’habileté et d’expérience d’Étienne Gomez aurait infailliblement entraîné les marins.

Comme on aperçut pendant la nuit, sur la terre, à gauche ou au sud, qui d’ailleurs était froide et stérile, quantité de feux, on la nomma Tierra del fuego (Terre du feu).