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s’endormaient à la prière du matin, ils l’écoutaient avec assez de gravité, quoiqu’on la fît en allemand, qu’ils n’entendaient pas. Mais il y avait des textes de la Bible dont le sens faisait sur eux la plus grande impression quand on le leur expliquait. Ils furent frappés en particulier de ce passage d’Ézéchiel où le prophète disait au peuple hébreu : « Les infidèles qui sont autour de vous apprendront que je suis le Seigneur, moi qui rebâtis les maisons ruinées, et replante les terres désolées : je l’ai promis, et je le ferai. » Ce texte fit espérer aux Groënlandais que le Dieu des étrangers réparerait les ravages du fléau qui avait dévasté leurs cabanes. C’est ainsi que la religion se fraie des voies dans les âmes les moins disposées à la recevoir.

Mais rien ne la fait mieux triompher des esprits rebelles que les obstacles dont le zèle de ses apôtres est constamment traversé. Les frères moraves, qui jusqu’alors s’étaient soutenus dans un pays inhabitable par les bienfaits de leur patrie ou de la cour de Danemarck, se virent tout à coup oubliés et frustrés des secours qu’ils en attendaient. Ce délaissement les jeta dans la plus profonde détresse. Leurs provisions se réduisaient, pour toute l’année, à un baril et demi de gruau d’avoine dont ils avaient échangé une partie pour de la bière. Ajoutez à ce peu de ressources un demi-baril de pois, et du biscuit de bord en petite quantité ; encore fallait-il céder une portion de ces vivres