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bons, et il serait facile de leur faire embrasser le christianisme. Le hasard fit qu’on conçut pour nous de la vénération et du respect. Il régnait depuis deux mois une grande sécheresse dans le pays ; et comme ce fut au moment de notre arrivée que le ciel leur donna de la pluie, ils ne manquèrent pas de l’attribuer à notre présence. Lorsque nous débarquâmes pour dire la messe à terre, ils y assistèrent en silence et avec un air de recueillement ; et voyant que nous mettions à la mer nos chaloupes, qui demeuraient attachées aux côtés du vaisseau, ou qui le suivaient, ils s’imaginèrent que c’étaient les enfans du vaisseau, et que celui-ci les nourrissait.

« Le capitaine général et moi fûmes un jour témoins d’une étrange aventure : les jeunes filles venaient souvent à bord s’offrir aux matelots pour obtenir quelque présent. Un jour une des plus jolies y monta, sans doute pour le même objet ; mais ayant vu un clou de la longueur du doigt, et croyant n’être pas aperçue, elle le prit et l’enfonça bien vite entre les deux lèvres de ses parties naturelles ; croyait-elle le cacher ? croyait-elle s’en orner ? c’est ce que nous ne pûmes deviner. »

La flotte remit en mer le 27 décembre, et, côtoyant la terre, alla jusqu’au cap Sainte-Marie, à l’embouchure du Rio de la Plata. « C’est ici, dit Pigafetta, qu’habitent les cannibales ou mangeurs d’hommes. Un d’eux, d’une figure gigantesque, et dont la voix ressemblait à celle