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dent ou qu’ils écoutent quand ils en espèrent quelque chose. Un jeune homme, par exemple, leur demanda de lui prêter main-forte pour ravoir sa femme ; et voici comment on la lui avait enlevée. Un père de famille, ayant épousé une veuve, avait donné au fils de cette femme sa fille en mariage, après l’avoir déjà fait épouser à un autre homme. Au bout de six mois, celui-ci rattrapa sa femme par ruse et par force, et le second mari vint réclamer le secours des Européens pour l’enlever encore au premier. Ce sont là les mœurs de ce peuple sans police et sans lois. Du reste, ils ne manquent pas d’un certain artifice ni de caresses engageantes pour exciter les Européens à la libéralité ; car ils auraient honte d’en obtenir rien par des prières. Mais dès qu’on leur parle de conversion, ils s’endorment, ou s’en vont avec un ris moqueur. Un missionnaire danois leur racontait un jour l’histoire de la création jusqu’au temps d’Abraham : ils dirent qu’ils croyaient tout cela : puis se mettant à débiter à leur tour les fables et les visions de leurs angekoks, ils demandèrent au missionnaire s’il ne les croyait pas aussi-bien qu’eux. Le Danois leur ayant répondu que non : Si tu ne nous en crois pas sur notre parole, lui dirent-ils, pourquoi veux-tu que sur ton simple témoignage nous croyions ce que nous ne pouvons comprendre ?

Malgré le peu de fruit et d’occupation que donnait aux nouveaux missionnaires l’entre-