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pentier était devenu l’une des premières colonnes du herrnhutisme, qui, dès la naissance de cette société, comme par un esprit de prédiction, lui avait tracé en 1722 le plan d’une cité, où dix ans après on compta six cents habitans ; cet homme singulier avait été envoyé par le comte de Zinzendorf au Groënland, pour servir de guide aux autres frères moraves, que son âge et son expérience le mettaient en état de diriger. Il trouva les Groënlandais tels qu’Égède les dépeint, et il en parle avec une franchise qui rend ses récits d’autant moins suspects, qu’ils ne sont pas toujours édifians. La vie que mène ce peuple, dit-il, est angélique en comparaison de celle de nos chrétiens d’Europe. Cependant les Groënlandais vivent sans connaître la Divinité, car ils tournent en dérision tout ce qu’on leur en dit. Qu’on leur en parle ou non, peu leur importe ; ils écoutent un hymne comme une chanson ; ils sont trop peu capables de réflexions pour avoir aucune idée de religion : on dirait même qu’ils n’ont pas de passions, tant ils paraissent insensibles. Ils ne pensent qu’à manger ; du reste, aussi stupides que les animaux dont ils se nourrissent. Mais, comme les bêtes, ils aiment beaucoup leur progéniture, sans s’occuper d’ailleurs de l’éducation de leurs enfans. Quant à la foi, Dieu seul voit et sait s’ils en sont capables.

Ainsi ce n’est jamais que l’intérêt qui les apprivoise avec les missionnaires qu’ils abor-