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vriers évangéliques. Les voyages qu’il faut faire en été, les travaux de la pêche et de la chasse, qui ne sont point des amusemens, les peines de corps qu’exige la charge de veiller au salut des âmes, le besoin de parvenir à l’entretien de la vie dans un pays où le clergé n’a point encore de salaire, tant de soins demandent le concours de quelques hommes.

De plus, il a fallu du temps aux missionnaires pour apprendre la langue du Groënland. Un homme qui, dans trois ans d’étude, vient à bout d’entendre les sauvages de ce pays, et d’en être entendu, ne doit pas avoir un médiocre talent. Qu’on imagine donc l’extrême difficulté qu’eurent les trois premiers herrnhuters, qui, n’ayant jamais vu de grammaire, furent obligés d’apprendre le latin pour entendre les principes raisonnés de toute langue, et qui ne comprirent les termes latins qu’au moyen d’une version danoise qu’ils n’entendaient que par l’analogie du dialecte danois avec la langue allemande. D’ailleurs ils furent six ans sans avoir de commerce avec les Groënlandais, faute d’un idiome commun pour la conversation. Cependant à force d’application ces hommes sans lettres ont fait assez de progrès pour prêcher en groënlandais et traduire dans cette langue des hymnes et des passages très-difficiles de la Bible. Le lecteur conçoit ce que devient un sens très-obscur en lui-même, quand il passe par le canal de ces frères ignorans dans une langue étrangère à