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Alors nous appelâmes un Groënlandais, qui leur fit une explication très-claire de cette doctrine. Ils en furent frappés et agités. »

C’était le premier effet de la prédication de porter l’inquiétude dans l’âme des sauvages. Ils désiraient la vérité des dogmes du christianisme ; ils espéraient, ils craignaient, ils doutaient. Cette perplexité les suivait partout, jusqu’à ce qu’ils eussent ou rompu toute liaison, ou fait une alliance éternelle avec les chrétiens. Mais la jeunesse se rendait le plus souvent sans combattre. On voit une fille s’arracher de sa famille, et venir habiter à la mission. Son père et sa mère vont l’y chercher. Elle pleure et demande à se convertir. Rien ne peut la ramener à la cabane paternelle, ni la parole que lui donne son père de la laisser revenir au printemps, ni la tentation de beaux habits que lui promettent ses frères. Cependant son cœur se brise entre les mouvemens de la nature et les impulsions de la grâce. Elle tombe dans l’espèce de convulsion que de tels combats font toujours éprouver à la sensibilité du sexe et de l’âge les plus prompts à s’attendrir. Ce spectacle porte le trouble et la douleur dans les entrailles du père. Il ne peut quitter sa fille ; il reste avec elle à Neu-Herrnhut, tandis que ses fils désolés vont rejoindre à Kanghek leur frère aîné. La grâce n’est victorieuse qu’à demi. La nature souffre, une famille est mutilée, et ses membres déchirés palpitent dans l’angoisse. Telles sont les scènes touchantes et cruelles que