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difficile à défricher et à cultiver. » En général les Européens sont plus édifiés de la dévotion des Groënlandais que ceux-ci ne le sont du christianisme des Européens. La doctrine est plus pure en Europe, et la morale au Groënland. C’est qu’il est plus aisé d’inspirer des opinions que des mœurs : celles-ci tiennent aux besoins, qui ne reçoivent guère de loi que de la nature ; celles-là dépendent beaucoup de l’ignorance de l’esprit humain, qui, dans son incertitude, reçoit indifféremment toutes les erreurs ou les vérités qu’on lui présente. Il n’appartient pas toujours aux rois de donner des mœurs à leurs peuples : mais tout homme de génie, s’il est éloquent, peut donner des opinions à son siècle. Souvent même l’enthousiasme suffit aux ignorans pour répandre leurs idées. On le voit par les progrès que l’hétérodoxie du herrnhutisme a fait dans le Groënland.

La petite congrégation de Litchtenfels s’agrandit tout à coup cette année de neuf familles, qui composaient cinquante-cinq personnes. « Ce fut une grande joie, dit Crantz, de voir entrer dans le parc toutes ces brebis noires ou sauvages. ». C’était au mois d’août : comme la saison d’hiverner approchait, il fallut profiter du beau temps pour préparer un abri à ce petit troupeau. Les Groënlandais agrandirent leur habitation ou maison d’hiver jusqu’à soixante-quinze pieds de longueur sur quinze de largeur. Les filles et les veuves furent mises