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l’humanité des mains des chrétiens, comme s’ils n’eussent vu dans la conversion de ceux-ci qu’une espèce de parjure envers la patrie. « Ces sentimens, dit Crantz, prouvent bien que le salut n’est que l’ouvrage de la grâce ; ni les fléaux du ciel ni les prodigalités de la mer ne pouvaient fléchir l’incrédulité des Groënlandais, jusqu’à ce que l’Esprit saint eût touché leur âme. » On a même vu ceux qui, malgré leur conviction intérieure, s’étaient raidis contre les assauts de l’indigence, se rendre, dans la liberté de l’aisance, aux douces semonces de la parole divine qui les appelait au christianisme. Ainsi, tandis que, dans les hivers précédens, la peuplade de Neu-Herrnhut s’était accrue de trente à soixante personnes, cette année elle n’augmenta que de sept. Cependant, à la fin de l’automne, le nombre des habitans monta jusqu’à quatre-vingt-douze.

Tout y était dans le meilleur état. L’abondance y ramena la joie et la santé. On ne perdit pas un seul homme à la pêche. Il y eut pourtant des accidens. Un pêcheur enfermé dans les glaces fut obligé de sauter sur un glaçon, et d’y suivre le courant, en traînant son kaiak où était pris un phoque. Il fut emporté avec sa pêche l’espace de trois milles ; après quoi son radeau de glace se rompit ou se déroba sous ses pieds, et le laissa, plongé dans l’eau jusqu’aux aisselles, gagner le bord comme il put. Un missionnaire aussi faillit à se noyer dans un umiak qui fit eau par le fond. Mais