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la famille qu’ils venaient d’arracher à la mort. On distribua ces tristes créatures dans les maisons des Groënlandais. D’abord elles n’y trouvèrent pas grande ressource ; mais à force de chercher elles ramassèrent dans les balayures des arêtes de poisson sucées et rongées, ou quelques pièces de vieux souliers. On les secourut, du reste, autant que le permirent la disette des provisions au-dedans, l’inutilité des courses pour la chasse, et l’impossibilité d’aller à la pêche par les mauvais temps. Cependant, malgré la rigueur de la saison, on attrapa quelques phoques, et l’on tua dans les îles un grand ours blanc, animal très-rare dans ces cantons.

Il fallut subsister de ces faibles ressources jusqu’à Pâques, où commença la pêche du hareng, qui finit à la Pentecôte. Cette pêche fut suivie de la chasse aux rennes, puis de la grande pêche aux phoques. On en prit jusqu’à cent dans un jour, et l’on fut en état d’en tirer pour le commerce cent soixante barils de graisse ou d’huile, tant la belle saison remplaça les vides de l’hiver.

La mission ne retira cette année aucun profit de la famine. L’adversité même, qui ramène à la religion, semblait en éloigner les Groënlandais. Non-seulement ceux qui vinrent réclamer la charité des frères avec le désir apparent ou le prétexte de se convertir s’en allèrent dès qu’ils n’eurent plus besoin d’assistance, mais il y en eut même qui témoignèrent la plus grande répugnance à recevoir les secours de