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ses sens, et assez de force pour sortir du tombeau. Les missionnaires lui répondirent « que c’était le bon pasteur qui avait retiré sa brebis des serres de la mort. Elle fut étonnée d’apprendre que Dieu aimât les hommes à cet excès, et promit de revenir, ou du moins d’envoyer ses enfans à l’instruction. »

C’est avec ce langage, soutenu de tous les autres moyens de propagation qui viennent de la religion ou de ses ministres que les herrnhutistes baptisèrent en très-peu de temps vingt-huit catéchumènes, sans compter onze enfans. Cette année fut donc heureuse. Les Groënlandais eurent des vivres jusqu’à être surchargés de leur abondance. La prospérité attira la foule à la mission, et la mort n’y moissonna que treize baptisés.

Mais elle se dédommagea cruellement dans le printemps de l’année suivante. Dalager, facteur danois, étant allé à Kellingeit pour le commerce des huiles de poisson, en rapporta les plus tristes nouvelles. La famine y était extrême. Une jeune fille qu’il en avait amenée en était la preuve. Ses parens, réduits à ne pouvoir la nourrir, l’avaient laissée dans une caverne déserte pour s’épargner la douleur de la voir mourir de faim. Deux jours après, l’ayant retrouvée encore en vie, ils la jetèrent toute nue dans la mer. Comme elle ne put se noyer, un sauvage qui la rencontra sur le rivage en eut compassion, et, n’ayant rien à lui donner, la mit dans un magasin de vivres, mais déjà