Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 2.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courage qui préfère la mort à la servitude, tant l’habitude des préjugés renverse les idées naturelles !

Nous ne devons pas omettre un exemple singulier de ce que peut l’autorité d’un seul homme au milieu de l’ignorance et de la barbarie.

À cent cinquante lieues de son embouchure, la rivière de Casamansa forme, en tournant, un coude qui donne le nom de Cabo à un grand royaume voisin. Il était gouverné, au commencement de notre siècle, par un roi nègre, nommé Briam-Mansare, qui vivait avec plus de faste que tous les autres princes de la même côte. Sa cour était nombreuse. Il se faisait servir dans de la vaisselle d’or, dont il avait jusqu’à quatre mille marcs. Il entretenait constamment six ou sept mille hommes bien armés, avec lesquels il tenait ses voisins dans la soumission et les forçait de lui payer un tribut. La police était si bien établie dans ses états, que les négocians auraient pu laisser sans crainte leurs marchandises sur le grand chemin. À force de lois et par la rigueur de l’exécution, il avait corrigé dans ses sujets le penchant au vol, qui est un vice naturel aux Nègres. Jamais les esclaves n’étaient enchaînés. Lorsqu’ils avaient reçu la marque du marchand, il ne fallait plus craindre de les perdre par la fuite, tant la garde était exacte sur les frontières, et la discipline rigoureuse dans le gouvernement. Ce prince faisait chaque année, avec les Portugais, un commerce de six