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par le côté du dehors, et c’était une occupation fort pénible que de le tourner sans cesse, ou de le replonger continuellement dans l’eau bouillante pour le faire dégeler. Le 22, il ne restait que dix-sept fromages qui furent partagés. Le 26, et les deux jours suivans, il tomba une si grande quantité de neige, que, la hutte en étant tout-à-fait couverte, il fut impossible d’en sortir ; mais l’air s’étant éclairci le 29, on se servit de pelles pour creuser dans la neige, et l’on y fit un trou par lequel chacun sortit en rampant. Les trapes se trouvaient aussi couvertes ; elles furent dégagées, et dès le même jour on y prit quelques renards, chasse d’autant plus précieuse, qu’avec la chair de ces animaux qu’on mangeait avidement, elle fournissait des peaux pour faire des bonnets fort utiles, contre la rigueur du froid.

Le 1er. décembre, la hutte se trouvant ensevelie pour la seconde fois dans les neiges, on eut à souffrir une si terrible fumée, que, l’horreur de cette situation étant redoublée par les ténèbres, il fallut demeurer au lit pendant trois jours, sans autre soulagement que des pierres qu’on faisait chauffer, et qu’on se donnait tour à tour dans les lits. Le 3, on entendit craquer les glaces de la mer avec un bruit qui jeta tout le monde dans la plus affreuse consternation. Chacun s’imagina que les hautes montagnes de glace qu’il avait vues pendant l’été se détachaient ou s’amoncelaient les unes sur les autres pour tomber sur la hutte.