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meura quelques momens à le regarder ; ce qui donna le temps au matelot d’arriver à bord. La terreur dont il était pénétré ne lui laissa de force, en arrivant, que pour crier : un ours ! un ours ! Tous ses compagnons jetèrent aussitôt de grands cris, et montèrent armés sur le pont ; mais, sortant d’une épaisse fumée qu’ils avaient eu peine à supporter dans le vaisseau, ils ne pouvaient retrouver tout d’un coup l’usage de leurs yeux. Ils ne virent point l’ours, qui aurait pu les dévorer dans cet état, s’il n’eût été chassé par leurs cris. Heemskerck profita d’un temps serein, qui continua le 10, pour leur faire porter à terre le vin et les autres provisions. Le 12, une partie de l’équipage alla passer la nuit dans la hutte, où le froid fut d’autant plus rigoureux, que, la cheminée n’étant pas encore faite, on n’y pouvait allumer du feu sans une fumée insupportable. Le 13, on chargea sur un traîneau deux tonneaux de bière de Dantzick, pour les transporter à la hutte ; mais au départ il s’éleva un orage si terrible, que les matelots, forcés de rentrer à bord, laissèrent leur charge de dehors sur le traîneau. Le lendemain, ils trouvèrent le fond d’un tonneau crevé par la force du froid, et la bière gelée en forme de colle-forte. Le tonneau fut porté dans la hutte, et mis près du feu pour dégeler ; mais la bière, loin de reprendre son goût en fondant, n’eut plus que celui de l’eau. Les deux jours suivans, on fut menacé de plusieurs ours, dont on ne se délivra qu’à force