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La nuit du 16, l’eau de la mer, qui n’avait point encore perdu son mouvement entre les glaçons, se trouva gelée de deux doigts, et, la nuit suivante, l’épaisseur augmenta du double. Le 21, le froid devint si vif, qu’on fut obligé de transporter la cuisine à fond de cale, parce que tout y gelait. Le 23, on eut le malheur de perdre le charpentier, qui fut enterré dans une fente de la montagne, proche d’une chute d’eau : en vain s’était-on efforcé d’ouvrir la terre pour lui faire une fosse. Les soliveaux de l’édifice, qui avaient été tramés sur la glace ou sur la neige, furent posés le 25, et l’édifice prit forme.

Tout l’équipage ne consistait plus qu’en seize hommes, dont plusieurs ne jouissaient pas d’une bonne santé. Le 27, il gela si fort, que, si quelqu’un mettait un clou dans sa bouche, comme il arrive souvent dans le travail, il ne pouvait l’en tirer sans emporter la peau. Le 30, la neige qui était tombée toute la nuit, se trouva d’une hauteur qui ne permit point de sortir de la hutte pour aller chercher du bois. On fit un grand feu le long de l’édifice pour dégeler la terre, dans le dessein d’élever une sorte de rempart qui eût servi de clôture : mais la terre se trouva si gelée, que l’ardeur du feu ne put l’amollir ; et la crainte de manquer de bois fit abandonner cette entreprise. Le 2 octobre, on eut la satisfaction de voir la hutte achevée, et l’on y planta, suivant l’expression du journal, un mai de neige gelée,