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ainsi, chacun paraissant confirmé dans la résolution d’hiverner, avec l’espérance de retourner au printemps dans sa patrie, on ne pensa plus qu’à bâtir une grande hutte où l’on pût être à couvert du froid et de l’insulte des ours. Il se trouvait effectivement sur les bords de la rivière des arbres entiers descendus apparemment de Tartarie ou de Moscovie. On commença par faire un traîneau pour les voiturer.

Le 15, pendant qu’on travaillait ardemment, un matelot vit trois ours d’inégale grandeur, dont le plus petit demeura derrière un banc de glace, et les autres continuèrent d’avancer. Pendant que l’équipage se disposait à tirer, l’un des deux grands ours alla porter le nez dans un lieu où l’on avait mis de la viande ; et presque aussitôt il reçut dans la tête un coup de mousquet qui le fit tomber mort. L’autre sembla marquer de la surprise : il regarda fixement son compagnon qu’il voyait étendu sans mouvement ; il le flaira ; et, comme s’il eût reconnu le péril, il retourna sur ses traces. On le suivit de l’œil. Après avoir fait quelques pas en avant, il revint, et s’éleva sur ses pates de derrière pour observer mieux les matelots. Un coup qu’ils lui tirèrent dans le ventre le fit retomber sur ses pieds. Alors il prit la fuite avec de grands cris. Barentz fit ouvrir l’ours mort, lui fit ôter les entrailles, et le fit mettre sur ses quatre jambes, pour le laisser geler dans cette posture, et le porter en Hollande, si l’on parvenait à dégager le vaisseau.