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avait amarré à la glace, eut le même sort. La quantité, la violence et la grandeur des glaçons firent admirer que le corps du bâtiment leur résistât. Le 5 au soir, ils le pressèrent tellement, qu’il demeura penché sur un côté, et qu’il fut considérablement endommagé, quoique sans s’ouvrir encore. Mais, dans l’opinion qu’il ne pouvait résister long-temps, on se hâta de porter à terre une vieille voile de misaine, de la poudre, du plomb, des fusils, des mousquets et d’autres armes, pour dresser une tente proche du canot. On y porta aussi du biscuit et des liqueurs fortes, avec des instrumens de charpentier pour radouber la chaloupe.

Le 7, quelques matelots ayant fuit environ deux lieues dans le pays, virent une rivière d’eau douce, et quantité de bois que les flots avaient jeté sur ses bords. Ils virent aussi des traces de rennes, autant du moins qu’ils purent les reconnaître aux vestiges des pieds. Ces nouvelles furent d’autant plus agréables, que non-seulement le navire était à la veille de manquer d’eau, mais que, dans l’impossibilité de le dégager des glaces avant l’hiver, qui s’approchait pour les augmenter, on avait tenu conseil sur les secours qu’on pouvait tirer d’un pays où l’on ne voyait point d’eau ni d’arbres. Après avoir vérifié le rapport des matelots, tout le monde se promit d’autres secours du ciel qui leur fournissait déjà les moyens de se bâtir une retraite, de se chauffer, et de ne pas périr de froid et de soif :