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avec un si grand bruit, que tout le monde se crut près de périr. Vers le soir, on remarqua que les glaçons s’entassaient les uns sur les autres ; et le 29, il s’en était accumulé de si grands monceaux, qu’on employa inutilement les crocs et d’autres instrumens pour les rompre. Il ne resta plus le moindre espoir de se dégager. Le 30, ces amoncellemens redoublèrent autour du vaisseau ; et la neige, qui tombait en abondance, haussait encore ces redoutables remparts. Tout craquait horriblement à bord et dans le cercle de glaçons qui l’environnaient. On s’attendit à le voir crever bientôt et se séparer en pièces. Comme les glaçons s’étaient beaucoup plus entassés sous le vaisseau du côté du courant que de l’autre, il était demeuré fort penché ; mais ensuite ils s’amoncelèrent aussi de l’autre côté ; de sorte que le bâtiment se trouva droit et monté sur ces bancs de glace comme si l’on eût pris plaisir à l’élever avec des machines.

Le 31, de nouveaux glaçons, qui passèrent sur les autres à l’avant, élevèrent tellement la proue, que l’étrave se trouvait de quatre ou cinq pieds plus haut que le reste, tandis que l’arrière était enfoncé dans les glaces comme dans un creux. On se flattait que cet incident pourrait servir à conserver le gouvernail et que les glaçons cesseraient de le frapper ; mais il n’en fut pas moins rompu. Cependant on ne douta point que ce malheur même n’eût contribué à sauver le corps du vaisseau ; car si la