Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 19.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur leurs pates de derrière, qui semblaient les observer. Ils ne pensèrent qu’à fuir, à l’exception de l’un d’eux, qui les arrêta, en menaçant d’enfoncer dans le corps du premier qui prendrait la fuite une gaffe qu’il avait en main. L’expérience lui avait appris qu’il fallait demeurer en troupe pour effrayer les ours par des cris. En effet, lorsqu’ils se furent mis à crier ensemble ,ces animaux s’éloignèrent. Le 6 août, il doubla le cap de Nassau ; et le 7 il se vit sous le cap de Troost, qu’il cherchait depuis long-temps.

Une brume des plus noires l’obligea d’amarrer son vaisseau à un banc de glace de cinquante-deux brasses d’épaisseur mesurée, c’est-à-dire qu’elle en avait trente-six de profondeur dans l’eau. En se promenant sur le pont, toujours amarré au même banc, il entendit un animal souffler, et bientôt il vit un ours à la nage qui cherchait à s’élancer dans le navire. Il cria : Tout le monde sur le pont ! L’équipage y fut à peine, qu’on vit l’ours appuyant déjà ses griffes sur le bâtiment, et faisant ses efforts pour y monter. Des cris perçans, qui furent poussés tout à la fois, semblèrent effrayer l’animal : il se retira ; mais ce fut pour revenir fièrement par-derrière le banc de glace. On avait eu le temps d’étendre sur les hauts du navire la voile de la chaloupe ; et les plus hardis étaient avec leurs fusils. L’ours fut blessé ; et la neige qui tombait en abondance ne permit point de le suivre pour s’assurer de sa mort.