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écartait en avant, comme si l’on eût couru entre deux terres, et l’eau était aussi verte que de l’herbe. On se crut proche du Groënland. À mesure qu’on avançait, la glace devenait plus épaisse. Le 9, on découvrit par le 74° 30′ une île qui parut longue d’environ cinq lieues. Quelques matelots allèrent à terre le 11, et trouvèrent quantité d’œufs de mouettes. Ensuite ils montèrent au sommet d’une montagne fort escarpée, d’où ils ne descendirent qu’avec une frayeur égale au danger, à la vue des pointes de rochers qu’ils avaient au-dessous d’eux, et sur lesquelles ils ne pouvaient tomber sans se briser mille fois. Ils furent obligés de se coucher sur le ventre pour se laisser couler dans cette posture. Barentz, qui les voyait du rivage où il était resté, douta long-temps de leur vie, et leur fit des reproches d’autant plus amers, que le fruit de leur témérité s’était réduit à voir des précipices et des lieux déserts. Un ours blanc, qu’ils tuèrent après un combat de deux heures, fit donner à l’île le nom de Beeren eiland, c’est-à-dire île aux Ours. Il fut écorché, et sa peau n’avait pas moins de douze pieds de long.

Le 17 et le 18, on continua de trouver beaucoup de glaces, au travers desquelles il fallut passer pour arriver à la pointe du sud de l’île ; mais on fit d’inutiles efforts pour la doubler. Le 19, on découvrit une autre terre, où l’observation de la hauteur donna 80° 11′. Le pays dont on avait la vue était fort vaste ; on rangea