Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 19.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il prit sa course et s’enfuit. L’ours mordit ce malheureux en divers endroits de la tête, et la lui ayant fracassée, il se mit à lécher le sang. Les autres matelots, qui étaient à terre au nombre de vingt, accoururent aussitôt avec leurs fusils et leurs piques. Ils trouvèrent l’ours qui dévorait le corps, et qui, les voyant paraître, courut à eux avec une fureur incroyable ; se jeta sur un d’entre eux, l’emporta et le déchira bientôt en pièces. L’horreur et l’effroi dont ils furent pénétrés leur firent prendre à tous la fuite.

» Ceux qui étaient demeurés à bord les voyant fuir et revenir vers la mer, se jetèrent dans les canots pour les aller recevoir. En arrivant au rivage, et lorsqu’ils eurent appris cette pitoyable aventure, ils encouragèrent les autres à retourner avec eux au combat pour attaquer tous ensemble le furieux animal ; mais plusieurs ne pouvaient s’y résoudre. « Nos compagnons sont morts, disaient-ils ; il ne s’agit plus de leur conserver la vie. Si nous pouvions l’espérer encore, nous irions avec autant d’ardeur que vous ; mais qu’avons-nous à prétendre ? une victoire sans honneur et sans avantage, pour laquelle il faut braver un affreux péril. » Malgré ces raisons, il y en eut trois qui s’avancèrent un peu pendant que l’ours continuait de dévorer sa proie, sans se mettre en peine de voir près de lui trente hommes ensemble. Les trois étaient Cornelis Jacobsz, pilote, Hans van Uffelen, écrivain du