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vinces les plus méridionales de France, le froid soit extrême, et si long, qu’il empiète beaucoup sur le printemps. Avant la fin de l’automne, les rivières s’y trouvent remplies de glaçons, et bientôt la terre est couverte de neiges qui durent six mois, et s’élèvent toujours à la hauteur de six pieds. Il n’y a point de voyageur qui ne fasse une description touchante de ce qu’il a souffert d’un climat si rude : « Rien n’est plus triste, dit le P. Charlevoix, dans son style naïf, que de ne pouvoir se montrer à l’air sans être glacé, à moins que d’être fourré comme les ours. D’ailleurs, quel spectacle qu’une neige qui vous éblouit, et qui vous cache toutes les beautés de la nature ! plus de différence entre les rivières et les campagnes ; plus de variété : les arbres mêmes sont couverts de frimas ; il pend à toutes leurs branches des glaçons sous lesquels il n’y a point de sûreté à s’arrêter. Que penser lorsqu’on voit aux chevaux des barbes de glace d’un pied de long ? et comment voyager dans un pays où, pendant six mois, les ours mêmes n’osent quitter leurs retraites ? Aussi n’y ai-je jamais passé d’hiver sans avoir vu porter à l’hôpital-général quelqu’un à qui il fallait couper un bras ou une jambe gelés. Si le ciel est serein, il souffle de la partie de l’ouest un vent qui coupe le visage. Si le vent tourne au sud ou à l’est, le temps s’adoucit un peu ; mais il tombe une neige si épaisse, qu’on ne peut voir à dix pas en plein midi. S’il survient un dégel dans