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patron dénoua le second nœud, et le vent nous demeura favorable jusqu’à plus de quarante lieues de cet endroit. Aux montagnes de Roncela notre boussole se détourna de plus de six lignes. Notre pilote la fit fermer ; et comme il avait souvent navigué dans ces mers, il se servit seulement de la carte marine pour gouverner le vaisseau jusqu’à ce que nous eussions dépassé toutes les montagnes, dans lesquelles nous soupçonnâmes qu’il y avait de l’aimant. Alors la boussole reprit sa direction et nous fit connaître que nous approchions du cap.

» Le vent manquait : notre patron dénoua le troisième nœud du lambeau. Mais, ô malheur ! nous eûmes grand sujet de nous en repentir. À peine ce nœud fut-il défait, qu’il s’éleva un furieux vent de nord-nord-ouest qui nous fit voir à chaque instant des abîmes immenses près d’engloutir notre vaisseau. Il semblait que le firmament allait s’écrouler pour nous écraser sous ses ruines, et que Dieu, par une juste vengeance, nous voulait exterminer pour la faute que nous avions commise d’avoir adhéré aux sorciers. Nous ne pouvions tenir aucune voile, et nous fûmes obligés de nous abandonner à la merci des flots en courroux. Après avoir passé trois jours dans cet état cruel, une bourrasque nous jeta tout d’un coup sur un rocher à quatre lieues des côtes. Chacun commença à se lamenter et à demander pardon à Dieu de bon cœur, croyant que