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tre les lecteurs à portée de juger eux-mêmes du degré de foi que mérite le rapport de La Martinière, nous allons donner un exemple de sa manière de voir les choses et de les raconter.

Ce chirurgien raconte d’abord fort sérieusement que le capitaine de son vaisseau et lui, ayant appris qu’il y avait parmi les habitans des côtes de la Laponie danoise des sorciers qui disposaient des vents à leur volonté, s’adressèrent au principal nécromancien d’une habitation, et le prièrent de leur fournir un vent qui les portât au cap Nord, dont ils étaient fort éloignés. Le Lapon leur répondit qu’il ne pouvait fournir du vent que pour les conduire jusqu’à un promontoire qu’il leur nomma et qui était assez près du cap où ils voulaient aborder. En conséquence ils firent marché pour vingt francs, outre une livre de tabac. Le prétendu sorcier attacha à un coin de la voile du mât de misaine un lambeau de toile de la longueur d’un tiers d’aune, et large de quatre doigts, auquel il avait fait trois nœuds, et regagna son habitation.

« Il n’eut pas plus tôt quitté notre bord, poursuit La Martinière, que notre patron défit le premier nœud du lambeau. Aussitôt il s’élève un vent d’ouest-sud-ouest le plus agréable du monde, qui nous poussa à plus de trente lieues du Maelstroom, sans être obligés de défaire le second nœud. Cependant le vent commençait à varier et à vouloir se tourner au nord ; notre