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disparaissent ainsi remontent d’elles-mêmes, et l’effort de tous les pêcheurs se réunit pour les conduire au vaisseau. À la vérité, si la mer était assez calme pour leur permettre de s’arrêter long-temps dans le même lieu, ils auraient moins de peine à les prendre au niveau des flots. Mais, outre les obstacles du vent et des courans, une baleine morte depuis quelques jours est d’une saleté et d’une puanteur insupportables : sa chair se remplit de vers longs et blancs. Plus elle demeure dans l’eau, plus elle s’élève ; la plupart se découvrent d’un ou deux pieds. À quelques-unes on voit la moitié du corps ; mais alors elles crèvent avec un bruit extraordinaire. Leur chair fermente ; il se fait de si grands trous au ventre, qu’une partie des boyaux en sort. La vapeur qui s’en exhale enflamme les yeux, et n’y cause pas moins de douleur que si l’on y avait jeté de la chaux vive. Des baleines qui remontent en vie sur l’eau les unes paraissent seulement étonnées, d’autres sont farouches et furieuses. On a besoin alors d’une extrême précaution pour s’en approcher ; car, pour peu que l’air soit serein, une baleine entend le mouvement des rames. Dans cet état, on lui lance un nouveau harpon, quelque fois deux, suivant l’opinion qu’on a de ses forces : ordinairement elle replonge. Cependant quelques-unes se mettent à nager au niveau de l’eau, en agitant la queue et les nageoires. Si dans ce mouvement la corde s’entortille autour de la queue, le har-