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à une. Alors, vers le soir, nous fûmes alarmés par un bruit affreux qui ressemblait à celui d’une prodigieuse chute d’eau, sans aucune marque qui pût nous faire découvrir d’où il venait. On prît aussitôt le parti de jeter l’ancre et d’envoyer quelques hommes à terre. Je me mis du nombre. Mais, en arrivant à la côte, nous la trouvâmes hérissée de rochers et fort escarpée. L’obscurité de la nuit, qui nous la déroba presque aussitôt, nous força de retourner à bord. Cependant je puis dire qu’en peu d’instans nous eûmes le plus terrible spectacle qu’on puisse jamais s’imaginer. Des rochers immenses, qui semblaient brisés dans leurs masses, pendaient de toutes parts sur nos têtes. Dans plusieurs endroits, des cascades d’eau tombaient d’une crevasse à l’autre ; d’un autre côté on apercevait des glaçons d’une grosseur et d’une longueur démesurées, rangés les uns à côté des autres comme les tuyaux de grandes orgues. Mais rien ne nous causa tant d’effroi que de gros morceaux de rocs brisés que nous vîmes à nos pieds, et qui, détachés de leurs sommets par la force du froid, avaient roulé jusqu’à nous avec une violence inexprimable.

» Nous passâmes la nuit dans une mortelle inquiétude, et dès la pointe du jour nous retournâmes promptement à terre, où nous ne fûmes pas long-temps sans découvrir que le bruit que n’avions pas cessé d’entendre avait été causé par la force de la marée qui se trouvait arrêtée dans un passage fort étroit. La