Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 19.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêlé de gris-blanc et de rouge-noir ; il devient creux dans la vieillesse de l’animal, ne se foule point et ne perd jamais une sorte d’élasticité qui le fait toujours redresser : on en fait des matelas et des selles de chevaux. Sa chair est légère, nourrissante et de très-bon goût ; sa peau forte, douce et moelleuse : elle se passe en chamois, et l’on en fait des buffles d’autant plus estimés qu’ils pèsent très-peu. Les sauvages regardent l’orignal comme un animal de bon augure.

Outre les chasseurs, qui font une rude guerre à l’orignal, il a deux autres ennemis qui ne lui laissent pas plus de repos. Le plus terrible est le carcajou, espèce de glouton, d’un poil roux et brun. Lorsqu’il peut s’approcher d’un orignal, il saute dessus, s’attache à son cou, et de ses dents il lui coupe la veine jugulaire. L’orignal n’a qu’un moyen de s’en garantir, qui est de se jeter promptement à l’eau, que son ennemi ne peut souffrir ; mais s’il est éloigné des rivières, il succombe avant d’y pouvoir arriver. Les missionnaires mêmes assurent que le carcajou, qui n’a pas l’odorat des plus fins, mène trois renards à cette chasse, et qu’il les emploie pour la découverte ; que, dès qu’ils ont éventé leur proie, deux de ces rusés chasseurs se rangent à ses côtés ; que le troisième se place derrière elle, et que, la poussant tous trois avec une adresse surprenante, ils la conduisent vers le carcajou, qui s’accommode avec eux pour le partage ; enfin qu’une autre ruse