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frir, il porta lui-même sa part de la misère. À l’arrivée du printemps, il courut la côte pendant neuf jours pour chercher des sauvages dont il pût tirer des vivres ; mais ne trouvant rien qui convînt à sa situation, il revint au vaisseau, qu’il prit le parti de remettre promptement à flot pour retourner en Angleterre, distribua dans l’équipage le biscuit qu’on avait conservé, et mit tout en ordre, dans la supposition qu’il vînt à mourir pendant la route. On raconte qu’en faisant ces tristes dispositions, il pleurait à chaudes larmes de l’infortune de ses gens et de la sienne.

Cette tendresse ne fit aucune impression sur ceux qui avaient juré sa perte. Henri Green, jeune homme auquel il avait sauvé l’honneur à Londres en lui donnant une retraite dans sa maison, et l’envoyant à bord de son vaisseau sans la participation des propriétaires, avait conspiré contre lui avec Ivet et quelques autres. Lorsqu’on fut prêt à partir, ces scélérats se saisirent du capitaine, de Jean Hudson son fils, qui était encore dans la première jeunesse ; de James Woodhouse, mathématicien, qui faisait le voyage en qualité de volontaire ; du charpentier et de cinq autres : ils les mirent dans la chaloupe, sans provisions et sans armes, et les abandonnèrent cruellement dans cette affreuse contrée pour y périr de misère ou par la barbarie des sauvages. On n’a jamais eu d’autre information de leur sort ; mais on sait qu’ils furent vengés par la justice du ciel. Les