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ce temps parut long, parce qu’on prévoyait qu’il en faudrait beaucoup pour radouber et équiper ces deux petits bâtimens.

Le 21, néanmoins, Heemskerck, voyant les glaces ramenées par un vent de nord-est, permit de travailler à l’équipement. La chaloupe, qui n’était pas sortie de la hutte, ne fut pas difficile à tirer. Mais la scute, qui était enfoncée dans la neige, coûta tant d’efforts à dix hommes, affaiblis comme ils étaient par un genre de vie si triste, qu’ils furent obligés d’interrompre plusieurs fois leur travail. Pendant qu’ils s’y employaient avec ardeur, ils virent paraître un ours effroyable. Ils rentrèrent aussitôt dans la hutte, et les plus habiles tireurs se distribuant aux trois portes, l’attendirent avec leurs fusils. Un autre monta sur la cheminée avec le sien ; l’ours marcha fièrement vers la hutte, et s’avança jusqu’à la pente des degrés d’une des portes, où il ne fut pas aperçu du matelot qui s’y était mis en garde ; mais d’autres l’avertissant par leurs cris, il tourna la tête, et, malgré sa première frayeur, il perça l’ours d’une grosse balle. Ceux qui virent sa situation, tremblèrent pour lui ; car, lorsqu’il avait tiré son coup, le monstre était si proche, qu’ils l’avaient cru près de le déchirer ; et si l’amorce n’eût pas pris feu, comme il arrivait souvent dans un climat si rude, il était infailliblement dévoré. Peut-être cet affreux animal serait-il même entré dans la hutte, où il aurait fait un étrange carnage ; mais la blessure qu’il avait