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ce terrain ; car la différence d’avec la boussole était au moins de deux rumbs.

Environ deux mois et demi qu’on avait passés sans voir d’ours les avaient fait oublier, lorsque le 31, dans le temps que tout le monde s’occupait à nettoyer les trappes, on en vit paraître un fort grand, qui venait droit à la hutte. Un matelot l’ayant couché en joue, lui donna, dans la poitrine, un coup qui lui passa au travers du corps, et la balle sortit fort plate par la queue. Il ne laissa pas de s’éloigner d’environ trente pas ; et ceux qui coururent à lui après l’avoir vu tomber le trouvèrent encore vivant. Il leva même la tête, comme pour chercher des yeux celui qui l’avait blessé. L’expérience qu’on avait eue de la force de ces animaux fit prendre le parti de lui tirer quelques autres coups. On lui fendit le ventre, et l’on en tira plus de cent livres de lard ou de graisse, qu’on fit fondre pour les lampes : il y avait long-temps que, faute de matière, on avait perdu la consolation d’être éclairé pendant la nuit.

Le reste de février, mars, et les quinze premiers jours d’avril, furent des alternatives continuelles de beau et de mauvais temps, de brouillards et de gelée, de crainte à la vue des ours, et de plaisir après les avoir tués. Le 6 avril, il en descendit un, par les degrés qu’on avait faits à la neige, jusqu’à la porte même de la hutte. Elle était ouverte ; mais Heemskerck, qui aperçut heureusement le monstre, se hâta