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Les missionnaires sont quelquefois pressés d’assister à ces spectacles, parce que leurs génies protecteurs passent pour les puissans. L’expérience leur apprend à s’en défendre. Il ne sont point écoutés dans la confusion ; et lorsqu’ils veulent prendre occasion de quelque incident pour faire sentir aux sauvages la vanité de leur culte, on leur répond froidement : « Vous avez vos dieux et nous avons les nôtres ; il est malheureux pour nous que les nôtres soient les plus faibles. »

Un autre jeu est celui des pailles. Ce sont de petits joncs de la grosseur des tuyaux de froment, et de la longueur de deux pouces. On en prend un certain nombre, qui est ordinairement de deux cent un, et toujours impair. Après les avoir bien remués, en invoquant les génies avec mille contorsions, on se sert d’un os pointu pour les séparer en petits monceaux de dix. Chacun prend le sien à l’aventure ; et le monceau de onze gagne une certaine quantité de points. Il y a d’autres manières de jouer le même jeu, et c’est quelquefois le nombre 9 qui sert à gagner la partie. Le P. Charlevoix, qui vit jouer aux pailles chez les Miamis, avoue qu’il n’y comprit rien ; mais on l’assura, dit-il, qu’il y avait autant d’adresse que de hasard à ce jeu ; que les sauvages y sont fort fripons ; qu’ils s’y acharnent pendant les jours et les nuits, et que les plus emportés ne le quittent que lorsqu’ils sont nus, et qu’ils n’ont plus rien à perdre.