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vons avouer un crime dont nous sommes innocens. Je sais qu’on m’accuse injustement, et j’en conclus qu’on ne fait pas moins d’injustice aux autres. Dieu, je le répète, Dieu, qui pénètre au fond des cœurs et devant le tribunal de qui je vais paraître, m’est témoin que je ne connais et que je n’entends rien à tout ce qui regarde les sortiléges. Comment pourrais-je mentir à lui-même, et livrer volontairement mon âme à la vengeance éternelle ? Je vous conjure de ne pas rejeter cette humble supplique de la part d’une malheureuse innocente qui touche au dernier moment de sa vie. »

Une pièce si forte et si touchante ne fit aucune impression sur les juges. Cette femme, qui se nommait Marie Égli, dit adieu d’un air ferme à son mari, à tous ses enfans, à tous ses amis, et se laissa conduire au supplice avec une candeur d’âme qui ne causa pas moins d’attendrissement que d’admiration aux assistans. Quoique la crainte eût porté plusieurs des accusés à se confesser coupables, Néal observe qu’il n’y en eut pas un qui ne se rétractât en mourant, et qui ne demandât au ciel que son sang retombât sur ses accusateurs et ses juges. Quelques femmes ayant obtenu un répit, les unes parce qu’elles étaient enceintes, d’autres parce qu’elles étaient trop jeunes (il s’en trouvait une de dix à onze ans), leur bonheur voulut que dans cet intervalle le gouvernement ouvrit les yeux. Ce changement leur sauva la vie, et ne fut pas moins heureux pour environ