Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne consistait plus qu’en trois hommes. On fit quelques lieues dans cette crainte. Le 15, un vent du nord apporta un froid excessif. Après avoir fait quatre lieues au sud, on trouva que le fleuve retournait quatre autres lieues vers le nord. C’est après ce grand détour qu’on laisse à gauche la belle rivière d’Ouabache, par laquelle on peut remonter jusqu’au pays des Iroquois, et dont l’entrée dans le Mississipi n’a pas moins d’un quart de lieue de large. Toute la Louisiane, au jugement de l’observateur, n’a point de canton qui mérite mieux un établissement. Le pays, arrosé par l’Ouabache et par l’Ohio, qui s’y décharge, est d’une rare fertilité ; ce sont de vastes prairies où les bœufs sauvages paissent par milliers. D’ailleurs la communication avec le Canada n’y est pas moins facile que par la rivière des Illinois, et le chemin est beaucoup plus court. Un fort, avec une bonne garnison, y tiendrait les sauvages en bride, surtout les Cheraquis, aujourd’hui la plus nombreuse nation du continent. Six lieues au-dessous de l’Ouabache on passe devant une côte fort élevée, d’une terre jaune, qu’on croit riche en mines de fer.

Les jours suivans amenèrent un froid si rigoureux, que le vin d’Espagne se trouva glacé dans la pirogue, et l’eau-de-vie aussi épaisse que de l’huile gelée. L’observateur, admirant cette rigueur de l’air dans un climat dont il n’avait pas moins connu la douceur, ne put l’attribuer qu’aux vents du nord et du nord-ouest,