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peuple impur, rampant sous le limon, ou bourdonnant dans l’air, qu’il obscurcit encore, toute cette vermine dont fourmille la terre, attire de nombreuses cohortes d’oiseaux ravisseurs, dont les cris confus, multipliés, et mêlés aux coassemens des reptiles, en troublant le silence de ces affreux déserts, semblent ajouter la crainte à l’horreur pour en écarter l’homme et en interdire l’entrée aux autres êtres sensibles.

» Au milieu de ces sons discordans d’oiseaux criards et de reptiles coassans, s’élève par intervalles une grande voix qui leur en impose à tous, et dont les cris retentissent au loin ; c’est la voix du camichi, grand oiseau noir, très-remarquable par la force de son cri et par celle de ses armes ; il porte sur chaque aile deux puissans éperons, et sur sa tête une corne pointue, de trois ou quatre pouces de longueur sur deux ou trois lignes de diamètre à sa base ; cette corne, implantée sur le haut du front, s’élève droit et finit en une pointe aiguë un peu courbée en avant, et vers sa base elle est revêtue d’un fourreau semblable au tuyau d’une plume.

» Avec cet appareil d’armes très-offensives, et qui le rendraient formidable au combat, le camichi n’attaque point les autres oiseaux et ne fait la guerre qu’aux reptiles ; il a même les mœurs douces et le naturel profondément sensible, car le mâle et la femelle se tiennent toujours ensemble ; fidèles jusqu’à la mort, l’amour qui les unit semble survivre à la perte