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Cet Indien, sur le visage duquel Raleigh croyait remarquer souvent de l’embarras, lui proposa de faire entrer à droite les canots dans une rivière qui les conduirait promptement à quelques habitations des Arouacas, où l’on trouverait toutes sortes de rafraîchissemens, et de laisser la galéasse à l’ancre, en assurant qu’on pouvait être de retour avant la nuit. Il était midi. Cette ouverture fut si bien reçue, que Raleigh se chargea lui-même de la conduite des canots, et ne prit aucune provision, dans la confiance que les secours ne pouvaient être éloignes. Cependant, après avoir ramé l’espace de trois heures sans voir aucune apparence d’habitation, ses défiances augmentèrent. On rama trois autres heures avec aussi peu de succès, et les soupçons devinrent si vifs, que tous les Anglais des canots, se croyant trahis parlaient déjà de vengeance. En vain Raleigh s’efforça de leur faire comprendre que le châtiment d’un traître ne changerait rien à leur situation, ou ne les rendrait que plus misérables. La colère et la faim ne leur laissaient sentir que le mal présent, lorsque enfin une lumière qu’ils aperçurent, et quelque bruit qu’ls crurent entendre, les rappelèrent à des sentimens plus modérés. C’était en effet une habitation des Arouacas, où ils n’arrivèrent néanmoins qu’après minuit. Ils y trouvèrent peu de monde, parce que le cacique de la bourgade était allé en traite à l’embouchure de l’Orénoque avec un grand nombre de ses